I – Prisonnière de l’Eldar Noir

« Protégez les survivants ! Ne les laissez pas les emmener ! »

Magda Sineruve ne se laissa pas distraire et d’un coup de pistolet Inferno vaporisa le visage d’un eldar noir. Elle pivota sur elle-même et enfonça son poing armé dans la mâchoire d’un autre. Mais ils était très nombreux – trop nombreux. Tout s’était passé si vite ! Elle était arrivé avec sa cour sur la planète de Istavari, dans le but de récupérer un Artefact démoniaque scellé depuis des millénaires, et qui avait été trouvé lors de fouilles. Mais c’était sans compter sur la soif esclavagistes des eldars noirs qui avaient profité d’une tempête warp pour arriver à découvert et projeter un rapt sur cette planète. Les Impériaux s’étaient vu obligés de contrer les Lances des Ténèbres et de riposter aux Fouets Barbelés. Magda savait cependant que les Eldars étaient trop rapides et trop rusés pour se laisser prendre à ses pièges. Elle serra les dents et tournoya sur elle-même, donnant la Colère de l’Empereur à ces Xenos immondes, avides de peur et de carnage pour se repaître de la douleur d’autrui. L’inquisitrice haïssait les créatures au teint d’albâtre : leur apparence était séduisante, et leurs traits déformés par des rictus de haine et de joie ne retiraient rien à leur beauté mortelle. Certains des habitants de Istavari s’étaient jetés dans leurs bras. Leurs vies n’avaient pas duré plus longtemps que le temps de sentir la pointe d’une lame effilée s’enfoncer dans leurs chairs ; leur sang répandu sembla enchanter les Xenos, qui semblèrent vibrer d’une puissance toute nouvelle.Depuis, chaque mort, de quelque côté que ce soit, offrait une force fanatique aux Eldars Noirs.

« Attrapez-là » crachota son TraduVox.

Dans un mouvement du visage, Magda observa deux eldars noirs délaisser leur victime dans une mare de sang. De sous leurs masques oblongs d’une matière chitineuse et noire, elle put voir le bas de leurs visages souriant d’un air mauvais. Derrière les deux êtres qui s’approchaient d’elle, une silhouette gigantesque l’aveugla un instant. Son pistolet se leva, dans l’intention de faire feu, mais sans qu’elle comprisse comment, elle se retrouva à genoux dans la boue du champ de bataille, le visage côtoyant les restes épars d’un civil. Le nez dans une flaque de sang, de boue et d’humeurs, elle fit appel aux forces qui lui restaient et tenta de se débattre. Un choc électrique dans sa nuque fit danser des étoiles devant ses yeux. Une main aux doigts puissants s’empara de sa chevelure tressée et tira violemment en arrière, manquant de lui briser les os.

« Voilà une créature intéressante … Tuez les autres, et partons. »

Son regard flou capta des prunelles d’onyx aux reflets aussi durs que la pierre. Nul coeur ne battait plus sous leur chair livide. Les Eldars Noirs étaient des pirates, des êtres imbus d’eux-même, captivés par la souffrance dont ils se nourrissaient. Des cris retentirent, mais Magda fut épargnée de voir le carnage qui suivit : alors qu’elle fléchissait les jambes pour y prendre appui, l’un de ses gardes la frappa en pleine tempe. Le noir complet la cerna et elle se vit tomber dans l’abysse de l’inconscience.

***

« Déjà réveillée ? »

Magda cligna des yeux, stupidement, hébétée par la douleur et l’impression de décalage physique. Autour d’elle, la lumière semblait noire, et la pénombre elle-même donnait le sentiment d’être vivante. Elle eut un frisson, et remarqua enfin qu’elle était entièrement nue, attachée par les pieds et les mains à une machinerie complexe. Ses bras étaient tendus au-dessus de sa tête, et elle sentait chacun de ses muscles étirés à l’extrême. Son épaule droite était déboîtée, lui infligeant une douleur lancinante ; sa tempe droite avait cessé de saigner mais son oeil droit voyait flou. Tout son être était couturé de cicatrices plus ou moins profondes, et sa cuisse gauche était parcouru d’un trou béant, sur l’extérieur. La chair était carbonisée, et le pire était qu’elle ne ressentait plus rien à cet endroit de sa jambe. Chose étonnante, on lui avait laissé son TraduVox – petite plaque intégrée derrière son oreille gauche, permettant des traductions sommaires pour des centaines de langues.

« Tu es résistante pour une simple humaine. »

Nul besoin de connaître les mots pour entendre l’Eldar les cracher. Il approcha son visage diaphane de Magda qui serra les dents puis cracha sur ses traits androgynes. La créature feula, essuya d’un geste agacé la salive, et appuya sur un bouton d’un air démoniaque. Un bruit de piston se fit entendre, et une douleur fulgurante traversa Magda. Une aiguille large comme un doigt s’était enfoncé dans sa colonne vertébrale. L’inquisitrice faillit s’évanouir, mais l’Eldar fit courir ses doigts sur le panneau de commande, et une seconde aiguille injecta un liquide pâle dans les veines de la jeune femme. La douleur était toujours là, mais les limbes de l’inconscience n’étaient plus qu’un souvenir : elle avait conscience de chaque parcelle de peau, de chaque cellule en elle, et sa vision se brouilla de larmes amères quand l’éperon de métal se retira de son dos. Elle toussa, cracha un peu de sang car elle s’était mordu la langue trop fort. L’Elda eut un rire sans joie, contrefait, et Magda frissonna.

« Tuez-moi. Cela m’importe peu. »

Elle ne savait si il comprenait, mais le regard du Xenos s’illumina d’une lueur malveillante. Une main caressante vint se placer sur sa joue. Elle n’avait plus la force de mordre, elle n’avait plus que la force de rendre la douleur insupportable plutôt que mortelle. Trois ongles griffèrent sa peau froide, et coururent jusque sa gorge : la main s’empara soudain de cette dernière et serra, commençant à étouffer l’Inquisitrice.

« Te tuer ? Pourquoi, alors que je peux te torturer et faire de toi un jouet souillé de péché ? Ta douleur sera exquise, Inquisitrice … »

Il la regarda vaciller, au bord de l’abîme de la mort, puis la relâcha au moment où sa langue gonflait, où ses poumons la brûlaient. Elle inspira à grand coups l’air pollué de la pièce souterraine. L’Eldar lui lança un dernier regard amusé, puis fit volte-face et s’éloigna. Magda put voir les pans de son manteau voleter derrière lui dans un effet théâtral.

« Saleté de Xenos » grogna t-elle, avant de se laisser de nouveau bercer par un sommeil sans rêve, épuisée de douleur et de fatigue. Elle espérait presque ne pas se réveiller – mais cela, seul l’Empereur le déciderait.